Le palais ne leur appartenait plus, c’était un fait. Et pourtant, Winston avait du mal à l’accepter. Voir l’ennemi déambuler ce qu’il considérait comme son chez-lui le crispait bien plus qu’il ne l’admettait. Pire encore, le peu d’intimité, d’espace personnel qu’il avait réussi à conserver, se réduisait à une chambre.
C’était vexant, peut-être même humiliant. Mais pour rester au palais, il devait faire bonne figure, lui et tous les conseillers.
Ce soir, cependant, était une occasion en or d’évaluer le terrain sans avoir des conseillers sur le poil.
Un dîner privé, avec uniquement Lysandre et Leslie. Une réussite diplomatique, un tour de force que seul l’ancien courtisan, habitué des manigances de la cour, avait pu mettre en place.
Les pots-de-vin y étaient sans doute pour quelque chose, aussi.
C’était une chance qui ne se reproduirait pas – ou du moins, pas avant longtemps. Autant en profiter autant que possible.
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L’horloge tournait, la grande aiguille se rapprochant lentement du douze pour sonner les huit coups du dîner. Toujours aucune nouvelle de Winston.
Les deux désormais conseillers étaient censés se retrouver dans la chambre de Leslie et être escortés ensemble jusque dans les appartements privés de sa Majesté.
- Qu’est-ce qu’il fabrique encore ? se plaignit Leslie en fronçant les sourcils, agacé de perdre son temps en une attente stérile.
Replaçant correctement sa veste d’un geste brusque, il sortit de sa chambre, saluant un des gardes qui se contenta de coucher les oreilles en le voyant passer, avant de se diriger vers la chambre de son collègue.
Après trois coups tapé contre la porte, Leslie passa la tête dans l’encadrement de la porte.
- Winston tu … Te sens bien ?
Allongé sous ses couvertures, il ne voyait de l’ancien roi qu’une touffe de cheveux qui dépassait.
- Je suis malade, répondit la voix éraillé du vampire qui se redressa en grimaçant.
- Effectivement tu n’as pas bonne mine.
Le nez rougie, les yeux larmoyants, les cheveux collés au front par la fièvre, il ne faisait pas fier allure.
- Je crois que j’ai attrapé un rhume …
- Excellent esprit d’analyse, répondit du tac au tac Leslie.
Néanmoins, il se sentait un peu inquiet – était-ce réellement un rhume ou bien quelqu’un avait essayé de l’empoisonner ?
La vie au château en compagnie des loups allait achever de le rendre paranoïaque.
- Il faudrait peut-être mieux annuler le repas, marmonna Winston en reniflant.
Piqué au vif, Leslie se redressa comme un ressort.
- Annuler ? Tu plaisantes ! J’ai mis trop d’énergie à prévoir cette fichue entrevue. J’irais seul.
Ce n’était pas négociable, et l’inflexion décidé alliée à la fatigue empêcha de Winston de protester.
- Ne le malmène pas trop, demanda malgré tout l’ancien monarque en se recouchant.
- Je ne te promet rien, répondit avec un sourire Leslie en refermant doucement la porte.
Un dîner seul à seul avec sa Majesté Lysandre – voilà qui devenait tout de suite plus intéressant.
Armé de son sourire le plus désolé, Leslie justifia l’absence de son compagnon par une explication qui relevait – pour une fois – de la vérité.
Le majordome, l’air un brin suspicieux, finit par l’amener jusque dans les appartements du roi.
- Leslie Bellingham, conseiller de la cour, annonça le serviteur avant de s’effacer en refermant la porte.
Esquissant une révérence élégante, l’ancien courtisan retint un sourire.
« A nous deux, petit loup. » pensa-t-il en relevant la tête.