Le Comptoir de Whitehall

Ils étaient cinq, le chef des passeurs vers l'Irlande, et l'autre vers l'Ecosse, deux représentants de leurs associés chinois qui leur procurait les nouvelles "recette" d'opium, toujours moins chères et plus addictive, et enfin le gérant de leur stock ici, à Londres.
Ce fut d'ailleurs lui qui parla le premier, faisant se taire immédiatement les autres.
- Encore en retard ?
Levant les yeux au ciel, César enleva son manteau et le jeta sur son bureau avant d'aller s’asseoir en bout de table.
- Râle pas je m'améliore.
L'un des deux asiatiques tourna la tête vers Lewis, l'observant quelques secondes avant de retourner vers César.
- T'as un nouveau garde du corps ?
- Bien deviné, mais oui, j'en ai un nouveau.
- Il est arrivé quoi à l'ancien ? Demanda avec une curiosité mal placé, le passeur d'Irlande.
Un fin sourire sourire étira de nouveau les lèvres de César qui jeta un coup d'oeil à Lewis, comme un avertissement.
- Il est tombé dans la Tamise.
Les quatre hommes ricanèrent légèrement.
" Tombé ", évidemment. Tombé avec les mains attachés et un poids au pieds, pour couler plus vite.
Les quelques nouvelles prises, tous se concentrèrent de nouveau.
Les réunions de cette envergure étaient rares, et pouvoir se retrouver tous ensemble, en relative sécurité, était une chance, autant en profiter.

Lewis ne laissa pas son inquiétude paraître lorsque César leur répondit tout en le regardant.
Tombé... Il ne savait que trop bien ce qui était arrivé à l'ancienne taupe de la police. Il avait intérêt à ne pas commettre les mêmes erreurs, de réussir là où l'ancien avait failli.
Il soutint donc son regard quelques secondes, avant de se reconcentrer sur l'assemblée, son manteau sur le bras et les mains dans les poches. Le contact de sa paume avec son holster le rassurait, il n'y pouvait rien. Question d'habitude.
Il ouvrit donc l'oreille et veilla à garder soigneusement son masque d'impassibilité sur les traits, celui qui semblait le rendre neutre à toute chose extérieure. Après avoir vu les atrocités de la guerre et celles de la prison, il lui venait presque naturellement.

Des deux/trois heures prévues, cette réunion dura en réalité trois heures trente, et même s'ils avaient fait une pause, au bout de la deuxième heure, à la fin, les cinq criminels furent tout de même soulagé d'en avoir terminé. Une bonne partie des problèmes d'acheminement de la Chine jusqu'à l'Angleterre avait été réglé en théorie, et la prochaine cargaison devrait arriver dans quelques jours, une recherche attentive sur carte permis de trouver de nouveaux passages pour l'Ecosse, et enfin, les quelques inquiétudes concernant la police furent écartées.
Les quatre invités finirent enfin par partir, saluant César qui, dès que la porte fut refermé, s'écroula dans le canapé, étirant ses jambes et soupirant de soulagement.
La nuit s'était couché sur Londres, et il n'avait qu'une envie ; dormir.
Mais il restait encore une chose à faire, mais ce règlement de compte pouvait bien attendre une demi-heure de plus.
- Ca va Lewis, pas trop mal au dos ?
...
Mal au dos ?
Son esprit fatigué imagina soudainement une autre origine pour une possible au dos - au bas du dos plutôt - et il dû retenir un rire pervers.

Lorsque les malfrats quittèrent la salle, Lewis dût retenir un soupir de soulagement et se frotta doucement la nuque, engourdi par les heures passées raide comme un piquet devant une table et derrière son chef. Même si son corps se plaignait du manque d'exercice, son esprit ne pouvait pas dire la même chose ; il avait carburé à mille à l'heure afin de pouvoir se rappeler de chaque détail mentionné par les criminels, puisqu'il n'était pas question de coucher quoi que ce soit sur papier. Il était sûr que César le ferait suivre les premières semaines pour s'assurer qu'il ne trahisse pas, alors il ne devait se reposer que sur ses capacités mentales.
En entendant la voix amusée de ce dernier, il se retint de lever les yeux au ciel.
- Rien que quelques étirements ne peuvent régler, répondit-il à la place d'un ton égal tout en haussant les épaules.
Ce serait la première chose qu'il ferait une fois chez lui, en revanche. Ses lombaires se plaignaient beaucoup trop.

" Quelques étirements " ? Putain, ça pouvait vraiment porter à confusion.
César se redressa et s'étira de tout son long en baillant avant de s’ébouriffer les cheveux et de défaire les premiers boutons de sa chemise, plus besoin d'être aussi propre sur lui, surtout pour un règlement de compte. Immédiatement il eut l'air moins impressionnant, moins dur que ce que ses cheveux coiffés et son regard perçant voulait bien montrer.
Il se releva et regarda sa montre, calculant mentalement le temps qu'il lui faudrait pour aller rejoindre leur lieu de rendez-vous.
- Bon, on va y aller, à ce foutu règlement de compte.
Pour la troisième fois de la journée, César renfila son manteau et sortit une énième fois de son bureau.
La nuit tombée, la température avait encore baissé et César dû s'empêcher de claquer des dents.
Même si la fatigue de sa réunion commençait à lui peser sur les épaules, l'excitation de cette première rencontre entre Lewis et la brutalité du monde mafieux le rendait très impatient, peut-être même trop.
Si ça se trouve, il n'aurait pas le courage de le faire, et dans ce cas-là, ça serait très décevant.

Lewis se sentit davantage perturbé en le voyant défaire son apparence d'homme redoutable, ce grâce à seulement quelques boutons en moins et des mèches éparses. Maintenant, il avait davantage l'air...
Comment dire ça d'une manière respectueuse de la bienséance ? L'air d'être putain de sexy, c'est ce qu'il était.
Sans laisser son trouble percer à travers ses traits, il détourna le visage et revêtit à nouveau son manteau pour le suivre sans rien dire, le regard pensif mais concentré sur la route que son chef empruntait.
Le froid le gifla de plein fouet en une bourrasque glacée et il regretta de ne pas avoir pris d'écharpe en plus, bien qu'après ce qu'il avait vu... hm. Valait mieux ne pas s'abaisser à penser ce genre de choses de César, il restait son supérieur.
Et sa cible.

César enfonça ses mains dans ses poches et pesta de nouveau contre le froid, grognant encore plus contre ce principe du climat qui faisait baisser la température la nuit.
Mais les nuits froides avaient au moins un avantage, les rues se vidaient à une vitesse assez ahurissante, tout le monde fuyait vers un chez-soi bien chauffé, tandis que eux marchait sous un vent glaciale pour aller tuer quelqu'un, chacun ses occupations.
Accélèrent le pas pour tenter de se réchauffer, César éternua de nouveau et tourna au coin d'une rue, avançant encore et encore vers les quartiers plus pauvre, et vers l'entrée des catacombes qui les mènerait là où l'attendait le traître.
Après une quinzaine de minute de marche, et deux ou trois détours pour berner les habitants de ces quartiers - beaucoup trop curieux pour leur propre bien, il arriva enfin devant une plaque d'égout, dans une impasse sombre et glauque. Charmant.
Grimaçant à cause de ses mains engourdies par le froid, César souleva la poignée et s'y engouffra immédiatement pour descendre une échelle tout sauf stable.
Une fois en bas, il attendit que Lewis fasse de même, tout en allumant une lanterne laissée sûrement par Dante, quelle prévoyance de sa part.

Parlant de chef, il avait l'air plutôt enrhumé. Pour un peu, il se serait (presque) senti triste pour lui.
Cependant, l'entrée des catacombes lui rappela qu'il n'était pas un enfant de chœur pour autant. Le visage sombre, Lewis descendit prudemment afin de le rejoindre et se frotta ses mains frigorifiées afin de les réanimer quelque peu, le bout des doigts piquant sous sa circulation sanguine ralentie.
- Il reste encore beaucoup de chemin avant d'y arriver ? chuchota-t-il tandis qu'il se rapprochait de lui, préférant le talonner pour ne pas risquer de le perdre dans l'obscurité aveuglante à l'odeur putréfiée des égouts.

Levant la lanterne pour éclairer les environs, tout en fronçant le nez sous l'odeur, César hésita quelques instants.
- Normalement non, mais au pire on tournera un peu en rond avant de trouver.
Autant Dante avait un excellent sens de l'orientation sous terre, autant César galérait toujours autant à s'y retrouver, et plusieurs fois il était ressorti au mauvais endroit et avait dû se taper la moitié de Londres à pied pour rentrer chez lui.
Plissant les yeux et fixant les murs à la recherche des légères encoches qui indiquait le chemin, il s'avança prudemment, faisant attention à ne marcher dans aucune des flaques non identifiait qui tapissait le sol.
Les rats qui proliféraient dans les égouts produisaient un bruit assez inhospitalier, mélange de couinement et de cliquetis de griffes sur le sol. Aussi quand un énorme rat coupa à toute allure le chemin de César, le mafieux s'arrêta brutalement et se cogna par la même occasion à Lewis.
- Foutu rare, marmonna-t-il, à moitié comme une excuse et une justification.
Il était vraiment plus grand que lui, en fait, et s'être cogné à lui et donc avoir profiter pendant quelques courts instants de sa chaleur corporel et de son contact physique le perturba quelques instants avant qu'il ne se reconcentre de force.
Pas le moment de s'éparpiller, surtout quand il avait failli louper une intersection.
- On ne devrait plus être loin.
Les tâches vaguement rougeâtres sur le sol, s'intensifiait et César s'inquiéta quelques instants que Dante l'ait déjà liquidé, ça gâcherait toute la surprise ...

Derrière lui, Lewis s'appliquait à suivres ses pas à la trace, posant son regard là où ses yeux cherchaient de mystérieuses marques, ses pieds imitant le rythme de sa marche et son souffle la même cadence comme pour se fondre entièrement dans son ombre.
Habitude policière, ça aussi. Se sentir invisible le rassurait presque autant que le contact de son holster de cuir ou du métal glacé contre sa paume.
Alors quand César le heurta de plein fouet en s'arrêtant brusquement, il sursauta et se mordit les lèvres au passage du rat devant eux.
C'était à se demander si son chef le faisait exprès... Rajustant son col, il garda le silence et haussa ses épaules à lui-même en remarquant les traces rougeâtres au sol.
L'homme... ou bien des dizaines avant lui. Prometteur.

Foutu rat aussi. C'était pas faute d'essayer de les maintenir hors de leur zone de passage pourtant, mais ces vermines revenaient encore et toujours. L'odeur du sang devait les attirer.
Après un dernier tournant, et avisant une porte en bois dont la lumière filtrait par les interstices, il soupira de soulagement.
César s'avança et poussa lentement la porte, dévoilant une sorte de petite salle, à peine plus haute de plafond que les couloirs.
Ainsi que deux silhouettes dans la semi obscurité.
Leur traître, assis par terre, un sac en toile sur la tête, et Dante, lui-même assis sur une caisse en bois.
- Putain je te retiens toi, la prochaine fois tu me préviens en avance, je l'ai coursé toute la journée et en plus tu me fais attendre.
César marmonna une vague excuse et posa sa propre lanterne sur la caisse en bois, laissant passer Lewis.
- C'est qui lui ? Demanda Dante, maintenant adossé au mur.
- Mon nouveau garde du corps.
- Ah, tu m'as écouté, pour une fois.
- Arrête de te plaindre, pour une fois.
Estimant qu'il avait le dernier mot, César sourit, satisfait.
- Lewis, enlève lui le sac de sa sale gueule, qu'il flippe un peu plus.

Deux hommes cette fois. Décidément, il en voyait des gens à longueur de journée...
Au ton qu'ils employaient entre eux, ils devaient sans doute être des amis proches, plus en tout cas que les autres personnages rencontrés au cours de la journée.
Obéissant, le jeune homme traversa en deux foulées la distance qui le séparait de la victime de César pour retirer le sac d'une main sûre. Ni trop doucement, ni cruellement. Il avait toujours aimé le juste milieu.
Le visage neutre, il tenta de ne pas se perdre dans les yeux de sa future victime. Il fallait qu'il se prépare à le faire souffrir...
- Et ensuite ?

Ça y est, le moment qu'il avait attendu toute la journée commençait enfin.
Dante avait eut la bonne de bâillonner leurs futurs victimes qui ne pouvait que trembler de peur et suivre du regard César puis Lewis, pour s'arrêter sur Dante, le suppliant presque du regard, comme si Dante pouvait être corrompu, d'une façon ou d'une autre.
La question de Lewis le fit réfléchir quelques instants, César n'avait aucune intention de le laisser vivre, le but était surtout de tester Lewis, aussi il lui tendit un couteau, un sourire innocent sur le visage, très en contraste avec ce qu'il s'apprêtait à dire ;
- Crève lui un œil, pas trop profondément, faudrait pas le tuer trop vite.

Son regard... La culpabilité lui noua la gorge, mais il serra les mâchoires et hocha la tête en saisissant le couteau tendu. Il valait mieux ne pas laisser montrer ça à César...
Si seulement il aurait pu le tirer à bout portant. (La victime, mais peut-être aussi César, il l'énervait déjà avec son sourire de môme et sa demande de tortionnaire.)
- Entendu.
Il profita de la pénombre pour articuler un "désolé" muet près de la victime, avant d'inspirer... et d'enfoncer la lame froide dans le globe oculaire de l'homme qui hurla de douleur à travers son bâillon, le faisant se raidir.
D'abord, la pointe. Il s'enfonça jusqu'à toucher le nerf qu'il laissa intact, alors que son estomac se retournait de dégoût et que sang et larmes se mêlaient en sillons coulant le long des joues blafardes de sa victime.
Il s'était trompé.
Tuer était tellement plus simple que faire souffrir.

Le cri de douleur de l'homme fit sursauter Dante et César, le premier de surprise, le deuxième d'excitation.
Il n'avait pas hésité, ou très peu, c'était un bon point pour lui.
Toujours avec ce sourire beaucoup trop innocent il attendit quelques instants avant de se pencher vers Dante, lui chuchotant une question à l'oreille.
- Qu'est-ce qu'il pourrait lui faire ?
Le regard fixé sur l'homme désormais borgne, Dante hésita quelques instants et lui répondit ;
- Lui couper l'oreille ?
Trouvant l'idée plaisante, César répéta l'ordre à voix haute, reportant son attention sur Lewis, fixant tour à tour son visage, puis sa main tenant le couteau, près à ne louper aucune des émotions qui traverseraient son visage.

Lui couper l'oreille... Il se demanda, la fraction d'une seconde et le regard sombre, si l'ami de César ne s'était pas inspiré du fameux peintre fou Van Gogh. Il pinça les lèvres et retint un soupir, le cœur lourd tandis qu'il hochait la tête sans même prendre la peine de lui répondre cette fois.
Son chef le dégoûtait.
Sa main gauche se plaça sur la joue de sa victime, lui immobilisant le visage tandis que sa main droite se resserrait autour du manche.
Et commença à scier le cartilage.
Le cœur battant sous la révulsion, il concentra son regard sur sa propre main droite et tenta de noyer les cris, les hoquets de douleur de sa victime. Scier, scier, scier. Trancher. Il y avait peu de sang, mais tellement de bruit.
Sa main tremblait légèrement tandis qu'il lui coupait net le dernier lambeau de peau et se retenait de lancer l'oreille sur le visage souriant de César.

Réflexion faîte, même avec un baillon sur la bouche, leur victime restait bruyante.
Mais malgré ça, la main de Lewis trembla à peine et que l'oreille se détachait maintenant du corps.
Du traître qui avait eut l'audace de taper dans sa marchandise, il ne restait qu'une pauvre loque hurlante et pleurante. Rien de bien effrayant.
- Okay Lewis, on va dire que ta journée de test est terminée, t'es engagé. Maintenant pousse-toi, c'est à moi de m'amuser.
Avec un sourire impatient, César descendit de la caisse en bois et se rapprocha de l'homme à terre, l'observant quelques secondes, avant de lui envoyer un grand coup de pied dans la mâchoire, la déboîtant avec un craquement sinistre.
Il cria de nouveau, mais le son fut nettement moins nette, maintenant. Il cracha du sang et tenta d'articuler une supplication, sans succès.

Cette fois, son soupir fut audible. Jetant couteau et oreille au sol - et tant pis si César devait se baisser pour récupérer l'un ou l'autre -, Lewis s'écarta et s'appuya contre le mur pour reprendre une respiration plus régulière, aussi silencieuse était-elle.
Il se contenta de fixer le dos de César, baissant légèrement les yeux pour éviter d'avoir à affronter le visage ruiné de l'homme.
Il se mordit la lèvre et serra doucement sa main droite dans sa gauche. Qu'avait-il fait pour mériter un traitement pareil... ?
Et pourquoi son chef prenait tant plaisir à faire souffrir les autres ? Complexe d'infériorité, de supériorité, sociopathie.. ?

Les coups s'enchainèrent pendant quelques instants, une minute, peut-être deux. Mais pas plus. Bientôt, l'homme resta allongé sur le sol, inerte, et seul son torse s'abaissant et se soulevant avec difficulté indiquait qu'il était encore en vie. S'il ne se débattait plus, le jeu n'était plus amusant, et par conséquent le règlement de compte était finis.
C'était allé vite, en fait. Très vite, mais après tout, la finalité n'était que le meutre, et pas des informations à arracher, alors après tout, que cela dure cinq minutes ou deux heures, ça ne changeait rien. Mais César n'avait jamais été patient, et pour une fois, pour le pauvre traître, ce fut un avantage.
Enfin, avec un œil arraché, une oreille en moins, la mâchoire de travers, et sûrement plusieurs os brisés, il n'aurait pas pu se relever.
César se redressa, essuyant le sang qui avait tâché les jointures de ses poings et tourna la tête vers Lewis, le fixant dans les yeux.
- Achève-le.

Ces deux minutes semblaient s'être rallongées indéfiniment, et il avait mal à la mâchoire à force de serrer les dents pour ne rien laisser paraître de sa colère.
Pas de doutes là-dessus, César était une vraie brute. Il retint un soupir de soulagement quand il eut enfin fini et soutint son regard par défiance, les yeux durcis par son envie de lui mettre le poing dans sa (trop belle) gueule.
- Entendu.
Il retira son pistolet de son holster, bloqua ses épaules en position, visa le crâne de l'homme, fit pression une nouvelle fois dans la gâchette. Il y avait comme un véritable soulagement à achever ce pauvre type - il se détendit visiblement, d'ailleurs.
Au moins, leur victime partirait pour un monde meilleur.

La détonation dans l'espace restreint lui vrilla les oreilles quelques secondes, mais il n'en laissa rien paraître. Le sang s'écoula de la plaie et César regarda quelques instants le cadavre avant de se tourner vers Dante.
- Tu t'en débarrasses pour demain matin.
Un soupir bruyant échappa à Dante qui s'affaissa contre le mur, déjà fatigué.
- Putain, t'as un culot monstre, toi. Tu me dois deux nuits de sommeil complète, et au moins trois repas.
- T'inquiètes, je t'invite où tu veux, quand tu veux.
- Prépare ton porte-feuille.
L'enfoiré, évidemment qu'il allait lui demander un restaurant hors de prix, il savait qu'il avait les moyens.
- Viens Lewis, on y va.
Reprenant la lanterne, César poussa de nouveau la porte et jeta un dernier coup d'oeil au cadavre.
Maintenant, le chemin lui semblait plus simple à retrouver, et la fatigue lui tomba d'un coup sur les épaules, l'adrénaline du meurtre repartie, il ne restait qu'un goût amère, et les articulations douloureuses de ses poings.
Après quelques instants de silence, il tourna la tête vers Lewis, curieux.
- Je ne pensais pas que tu aurais le cran d'obéir à ce genre d'ordre.

Le dénommé Dante semblait épuisé - un peu moins cruel aussi que César, bien que cela ne devait pas être très difficile à atteindre -, et il compatit pour lui. Travailler pour un chef de mafia ne semblait définitivement pas de tout repos, mais il saurait suivre son rythme.
Tandis qu'il rangeait son arme fétiche dans son holster et se passait une main dans les cheveux afin de les recoiffer au passage, il s'efforça de ne pas fixer son supérieur. Même lui semblait fatigué de ce qu'il avait fait, maintenant. Au moins, même lui possédait ses limites. Une autre séance de torture comme celle là et il allait vraiment le flinguer.
En l'entendant, il fronça les sourcils et soutint son regard, le visage de pierre pour masquer sa colère intérieure.
- Vous oubliez que j'ai fait l'armée. Les ordres sont les ordres, même si j'admets que torturer n'est pas vraiment agréable pour moi.

César haussa légèrement et détourna le regard en premier, pour éviter de se prendre un mur ou pour déraper sur les flaques d'eau.
- Tu n'aurais pas été le premier à désobéir, et à vrai dire, je pensais vraiment que tu allais le faire. Je pensais que t'aller ... J'sais pas, m'insulter, refuser, essayer de négocier une mort rapide. Finalement, t'es peut-être un peu sans cœur, toi aussi.
Un sourire innocent, maintenant bien reconnaissable étira les lèvres de César qui tourna de nouveau la tête vers lui, curieux.

"Un peu sans cœur ?" Vraiment, c'était l'hôpital qui se foutait de la charité. Il allait réussir à le faire sortir de ses gonds.
Serrant les poings dans ses poches et sa mâchoire pour répliquer une répartie bien sentie, il se contenta de tourner la tête vers le chemin sombre et puant qui s'étirait devant eux, reflet fidèle, lui semblait-il, de l'âme de son nouveau chef.
Que disait sa mère, déjà ? "La bave de crapaud n'atteint pas la blanche colombe."
Voilà. Il était au-dessus de ce genre de piques, y répondre serait s'abaisser. Il répondit donc à son insinuation et son insupportable sourire par un silence de glace et un regard noir.

Aucune réponse ? Décevant. Décevant mais prévisible, il n'avait pas l'air de quelqu'un qui s'énerverait pour une simple pique, aussi venimeuse soit-elle, pour le faire s'énerver, ou tout du moins réagir, il en faudrait plus que ça, sûrement.
Revenant devant l'échelle, César posa la lanterne sur le sol.
- Faut y aller à l'aveugle, on peut pas sortir avec une lanterne allumé, ça serait trop louche.
Aussi, il éteignit d'un souffle la bougie et reposa délicatement la lanterne sur le sol avant de tendre les bras pour attraper les barreaux, montant à tâtons jusqu'à la bouche d'égout qu'il ouvrit rapidement, pressé de ressortir dehors.
Même si la luminosité n'était pas mieux, les barreaux de l'échelle était légèrement éclairé, juste assez pour que Lewis ne se casse pas la gueule directement.