Le Comptoir de Whitehall

Encore une fois, Lewis se contenta de hocher la tête avant de prendre modèle sur lui et de commencer à escalader lentement l'échelle, tâtonnant avant de prendre appui sur chaque nouveau barreau. Après cette petite excursion, il préférait ne pas réellement se montrer amical envers lui. Ca finirait par déteindre sur sa propre personnalité, la preuve vu ce qu'il lui avait fait faire...
Frissonnant doucement, Lewis se hissa hors de la bouche d'égoût et se releva en un éclair, se retenant de justesse de percuter son chef. L'enfoncer dans un mur serait trop tentant, mais il était mieux que ça.
Saboter la mission pour une simple petite vengeance serait bien trop con.
Lewis se contenta donc de placer ses mains dans ses poches et de suivre César, le visage toujours neutre.

Juste avant de repartir, César remis correctement la plaque d'égout, et jeta un coup d'oeil, s'assurant encore une fois qu personne ne les suivait, et repartit d'un pas vif. Même s'il passait sa vie à organiser des magouilles frauduleuses et se faisait de l'argent certainement sur le malheur des autres, ce quartier le mettait mal à l'aise, tout avait l'air si délabré, si proche de s'écrouler, et pourtant, des dizaines et des dizaines de famille s'y entassait.
Une fois éloigné assez pour pouvoir parler sans éveiller l'attention de quelqu'un, il se rapprocha de Lewis ;
- Tu n'es pas obligé de me raccompagner jusqu'à chez moi, c'était ta première journée et ça a dû être ... Éprouvant.

Lewis se raidit en le sentant se rapprocher de lui et pinça les lèvres. Qu'il ne prétende pas être du genre attentionné envers son employé, il n'y croyait pas une seule seconde après cette journée.
Son bon vieux mécanisme de soldat, l'oubli, tâchait déjà d'affaiblir ses visions et sensations de la soirée.
- Je ne suis pas là pour que ce soit vous qui me protégez... et je dois certainement savoir où vous logez au cas où l'organisation serait en danger et que j'ai besoin de vous en prévenir, répliqua-t-il d'un ton plus froid qu'il ne l'aurait voulu.
Quand même, ça en devenait insultant, cette fausse prévenance.
Mais en réalité, il avait l'impression que son chef ne lui faisait pas assez confiance pour le laisser voir où il dormirait.

César fronça les sourcils, son ton ne lui plut pas, mais il n'en fit aucune remarque, se contentant d'un simple ;
- Comme tu veux, à moitié marmonné.
Il avait hâte de rentrer chez lui, même si vu l'heure tardive, Théo devait dormir, à moins qu'il ne soit resté éveillé pour lui, ça ne serait pas la première fois.
A vrai dire, c'était surtout ça, qui l'embêtait, que Lewis sache où il habitait, c'était bien le dernier de ses soucis, mais s'il savait son adresse, il connaissait aussi celle de Théo.
Même si avec une simple fenêtre éclairé, rien n'aurait put dire que c'était bien son petit frère qui cohabitait avec lui.
Ca pourrait être tout et n'importe quoi, un colocataire couche-tard, une femme - si César avait était intéressé par elle et le mariage, bien sûr - un animal de compagnie un peu trop taquin et intelligent ...
Non vraiment, ça pouvait être n'importe quoi, mais César était légèrement parano concernant la sûreté de son Théo, et pour le coup, il n'avait aucune confiance en Lewis, ni en personne en réalité.
Leur rythme rapide les fit arriver plus tôt que prévu devant l'appartement. Montant les quelques marches qui donnait accès à la porte, il se retourna une dernière fois, offrant encore une fois un sourire innocent.
- Tu me retrouves à 8 heures demain, soit pas en retard. Et bonne nuit aussi, rentre bien ! ~

Encore ce sourire, il semblait l'utiliser comme une arme qui le fidéliserait.
... A vrai dire, cela pourrait marcher. Il hocha la tête et lui rendit l'ombre d'un sourire à son tour.
- Bonne nuit à vous aussi, César.
Ce ne serait certainement pas la première fois qu'il utiliserait l'hypocrisie à son avantage. Peu importe qu'il lui semblait mentalement repoussant... Il avait une mission à accomplir.
Il se répéta intérieurement les informations apprises sur le chemin de son propre appartement, un quartier plus loin.

(On passe à la journée suivante ? :3)

( Alley :3 )

Comme prévu, Théo dormait déjà, et César finit par aller s'affaler sur son propre lit, épuisé et étrangement satisfait de cette journée.
Lewis avait encore des preuves à faire, pendant quelques semaines, mais ça semblait bien parti. Ou tout du moins, même s'il n'aimait pas ses manières, il ferait son boulot, c'était tout ce qu'on lui demandait, après tout.

- Le lendemain -

César fut réveillé par la faim et les faibles rayons de soleil qui filtraient à travers sa fenêtre laissée ouverte pendant la nuit.
Après un coup d’œil à l'horloge il bondit de son lit, 7 h 30, Lewis arrivait dans une trentaine de minute et il n'avait même pas mangé, hors de question de louper un nouveau repas par ailleurs.
Passant à toute vitesse sous la douche et en ressortant aussi ébouriffé qu'un hérisson il sourit à Théo qui comatait sur la table en écoutant la radio, son thé à peine touchée.
Décidément, il n'était vraiment pas matinale, son petit frère.
Le mafieux se fit un café et s'installa à la table, finissait les restes de tartine que Théo ne finissait jamais - sûrement pour le faire chier - et avala basiquement un peu tout ce qui lui tombait sous la main. Son déjeuné ne se ferait sûrement que vers 13 heures, et il n'était pas du genre à pouvoir tenir aussi longtemps avec simplement avec une tartine.
S'essuyant la bouche, César revint dans sa chambre et s'habilla prestement, s'emmêlant à moitié dans les boutons de sa chemise - lui non plus n'était pas réveillé. Il coiffa aussi bien que possible ses cheveux et se regarda dans le miroir de sa chambre ; ça le vieillissait, et rendait plus dur son visage qui sans sourire n'était pas exactement doux.
- Bon Théo, j’essaierai de revenir plus tôt ce soir, désolé de t'avoir laissé hier.
- Pas grave, répondit son cadet en rangeant machinalement les affaires de cours qu'il avait laissé traîner.
- J'aime pas quand tu te coiffes comme ça, finit par lâcher Théo alors que César s'apprêtait à sortir. Tu lui ressembles.
Lui, Douglas.
Un frisson désagréable lui parcourut l'échine et César s'ébourrifa immédiatement les cheveux, hors de question de lui ressembler de quelques façons qu ce soit.
L'horloge indiquait 8 h 5, putain, il était encore en retard.

Les habitudes de longue date prennent du temps à se défaire, c'est bien connu, et Lewis n'échappait pas à la règle. Ainsi, ses yeux se rouvrirent avant l'aube, peu après six heures.
Et merde.
Il n'était qu'à vingt minutes de marche ; partir à sept heures trente-cinq lui irait.
Il commença donc sa journée encore obscure par un court bain d'eau chaude, un brin de toilette, un rasage soigné et son choix d'habits. Quand tout cela fut terminé, il n'était pas sept heures.
Largement le temps de petit-déjeuner, donc. Il partit acheter un journal et frissonna sous l'air glacé de la matinée, regardant le soleil entamer sa montée paresseusement, avant de rentrer manger son pain grillé et son café noir au chaud.
Un brossage de dents plus tard, il partait en chemin d'un pas mesuré, traversant le quartier de Westminster dans sa longueur et le pont voisin avant d'arriver à sept heures cinquante-cinq précises devant le bâtiment, sans signe de son chef.
Lewis croisa donc les bras et souffla dans son écharpe de laine épaisse pour tenter de se réchauffer.

Dévalant les escaliers à toutes vitesses, se fichant bien de réveiller ou non ses voisins, César enroula son écharpe autour de son cou et frissonna en sentant l'air froid avant même d'ouvrir la porte.
Putain de temps, on en revenait au même point. Vivement le printemps.
En plus de ne pas avoir ce putain de temps froid et humide, une partie de son cerveau eut une pensée ... Pour le moins ... Déplacé.
Le printemps signifiait un réchauffement des températures, et mathématiquement, Lewis en viendrait à porter moins de vêtements. Huhuhu, il avait hâte au printemps maintenant, mais plus pour les mêmes raisons ~
Ouvrant la porte et fronçant les sourcils sous le froid, il fut néanmoins surpris de voir que Lewis était déjà là.
- Tiens, t'es pas en retard ?
Après un instant il finit par rajouter avec un haussement d'épaules ;
- Ouais nan, oublie, c'est moi qui suis toujours en retard, faudra que tu t'y habitue. Ça fait longtemps que t'attends ?

Quinze minutes ; quinze putains de minutes pour que son chef arrive, minutes ô combien précieuses qu'il avait dû passé dans le froid de la matinée sans pouvoir rentrer.
C'était à s'en demander s'il faisait exprès.
Aussi, quand César arriva enfin ouvrir l'entrée des enfers ce matin-là, Lewis était dans une véritable humeur de bouledogue. En l'entendant arriver, il s'efforça de se composer un visage aimable et le salua d'un hochement de tête courtois.
- Bon matin... Ca ne fait qu'un quart d'heure, alors ça va, répondit-il d'un ton sans éclats en haussant les épaules.
Pas sûr qu'il comprenne que dans son language d'irréductible ponctuel, "que"un quart d'heure était déjà un quart d'heure de trop.
Enfin. Il n'était que le sous-fifre après tout, mais un petit désolé n'aurait pas fait de mal...
- Qu'avez vous prévu aujourd'hui ?