Le Manoir

- Ça sera peut-être une meilleur idée, répondit Neal en reportant son regard sur le feu, vision nettement plus rassurante que les couloirs.
- Si tout n'est pas inventé, qu'est-ce qui est vrai dans l'histoire ? La lèpre de la marquise et son suicide ? demanda Ezio, toujours curieux de détails glauques - si possible capable d'effrayer un peu plus Neal.
Sammy tapota gentiment la jambe de Neal, un peu attendri par son air peu rassuré.
- Pense juste à bien fermer ta porte à clé, pendant la nuit, lui dit d'un air faussement compatissant son vampire. Rappelle toi, elle a plus de main, elle pourra pas l'ouvrir.
- Mais en rajoute pas ! répondit immédiatement Neal d'une voix plus aigu. Lui lançant son coussin à la figure.
Ça n'eut pour effet que de faire rire Sammy qui fit un clin d'oeil à Ezio. Toujours prêts à s'allier pour martyriser, avec amour, Neal.

Erin étouffa un rire en voyant les deux amis se chamailler presque comme des enfants, et se releva du canapé.
- Absolument, Ezio. Qui plus est, c'est une histoire que ma gouvernante me racontait petite pour me pousser à rester sagement dans ma chambre quand il faisait sombre... Mais pas mal de servants y croyaient dur comme fer, apparemment. Va savoir pourquoi.
S'agenouillant en face du foyer, les flammes illuminant ses yeux et sa chevelure, elle entreprit d'éteindre le feu.
- Laisse, s'il te plaît, Riri, demanda Scarlett sur un ton câlin. J'veux rester ici un petit moment encore...
Les mains sur les hanches, l'ancienne guerrière toisa son amie de longue date, qui, le nez niché contre le cou de son compagnon et calée confortablement contre lui, s'apparentait à un petit chat satisfait.
- Je peux voir pourquoi, releva-t-elle. Bon, faut que tu éteignes le feu en partant, sinon c'est nous tous qui y passeront.
- J'oublierais pas !

(un peu plus tard, dans la nuit ...)

Neal ne s'attendait pas à bien dormir après des histoires pareilles. Il l'avait prévu, l'avait accepté, s'était préparé à une nuit de presque insomnie.
Sauf que quelque chose était différent, aujourd'hui. Peut-être était-ce le lieu, encore majoritairement inconnu et inexploré, qui lui donnait cet effet là. Peut-être l'insécurité qu'il ressentait encore, attaché fermement à son cœur, l'impression d'être entouré d'ennemis - ce qui n'était pas qu'une impression, au fond.
Peut-être que l'histoire, la légende, de la marquise de Norfolk lui faisait plus peur que prévu.
Et peut-être que cette légende n'en était pas une, lui chuchota une voix insidieuse à l'oreille.
Après tout, elle était vraisemblable - ce qui était presque pire.

Se tournant et se retournant dans son lit, le vampire ne parvenait pas à calmer l'angoisse qu'il sentait monter, poignante, impossible à raisonner.
La pièce était silencieuse. Aucune souris ne courait dans les couloirs, aucune branche ne venait taper le carreau de sa fenêtre. Aucun chat farceur venu gratter à sa porte.

Poum. Toc. Poum. Toc.

Un pied, et une béquille.
Terrifié, Neal se renfonça sous ses couvertures, recroquevillé, essayant de disparaître dans les replis de sa couette.
Quelqu'un devait forcément lui faire une plaisanterie.
Sûrement Ezio, peut-être aidé de Sammy.
Qu'est-ce que ça pouvait être d'autre ?

La pièce devint oppressante. Le miroir surplombant sa cheminée lui donnait des sueurs froides.
Il fallait sortir d'ici, trouver de la compagnie, de l'aide, n'importe qui.
Tremblant visiblement, Neal sortit de sa cachette, alluma avec des gestes saccadés une bougie avant de se lever, les yeux fixé sur la petite flamme.
Il ouvrit la porte de sa chambre, retenant un claquement de dent quand l'air froid du couloir se faufila à travers ses vêtements.
Il regarda à gauche, puis à droite, avant de s'enfoncer dans les couloirs, une main fermement serrée sur la coupelle de sa bougie, ce qui ne l'empêchait pas de trembler.

Au même moment, Erin ressortait de la cuisine, une petite cruche et une tasse en terre cuite à la main. Prise d'une fringale nocturne, elle s'était fait un chocolat chaud - un bien crémeux, avec du chocolat fondu, du sucre, une pincée de cannelle, et elle se réjouissait déjà à l'idée de pouvoir y goûter.
Ainsi elle monta les escaliers prudemment, sans lumière puisque ses mains étaient déjà prises, s'orientant au souvenir plus qu'à la vue.
Mais... Une minute, il y avait quelqu'un ?
La lueur faible d'une bougie éclairait la figure élancée de Neal, qu'elle reconnut avec un peu d'amusement. Qu'avait-il cette fois ci ?
- Neal ? Que fais-tu là à cette heure ?
Il devait bien être minuit et demi, peut-être même plus. Même Scarlett et Creepy s'étaient retirés dans leur chambre un moment déjà.

Finalement, sortir dans le couloir n'était pas une si bonne idée. Certes, il n'y avait pas de miroir, mais l'obscurité environnante n'avait rien de rassurant.
A vrai dire, c'était même pire, on pouvait facilement imaginer une ombre, un chuchotement, une présence dans son dos.
Aussi, quand Neal entendit des bruits de pas se diriger vers lui, il se figea, comme un lapin effrayé par un bruit soudain.

Mais ce n'était qu'Erin. Erin portant un chocolat chaud, Erin qui arrivait à se balader dans le manoir sans lumière, sans avoir peur.
Neal se sentit ridicule, ce qui n'empêcha pas ses mains de continuer à trembler sur sa coupelle.
- J'ai ... J'ai cru voir, enfin entendre une ... La ...
Bon sang.
Il avait envie de s'enterrer sous terre, mais l'idée même de retourner dans sa chambre, avec ce grand miroir sur la cheminée lui donnait la chaire de poule.
- Je crois que j'ai entendu la marquise de Norfolk, dit-il d'une voix étranglée, un peu pathétique.

- Oh.
Elle ne sut pas quoi répondre dans l'immédiat, mais son air effrayé, ses mains tremblantes la firent se sentir mal pour lui. Après tout, elle y était un peu pour quelque chose, cette fois...
- Eh bien, j'imagine que rester dans un endroit mal éclairé ne va pas aider à te faire sentir mieux, répondit-elle posément, sans juger. J'allais m'asseoir devant le feu de cheminée avec du chocolat chaud, est-ce que ça t'aiderait de me rejoindre ?
... Rejoindre dans sa chambre la nuit, cela dit. Mais cette fois, elle était encore vêtue convenablement - une chemise ample, une longue jupe noire - et le laissé effrayé comme ça lui donnerait une mauvaise conscience.

(oui Erin, ramène le sexy vampire dans ta chambre, excellente idée ~)

Surpris par la proposition, Neal mit quelques secondes à répondre avant d'hocher vivement la tête.
- Je veux bien, merci beaucoup.
Son esprit embrumé par une peur irrationnelle lui disait que, en toute logique, Erin étant la propriétaire de ce manoir, elle était immunisée - ou au moins protégée - contre la colère de la marquise.
Ça n'avait pas beaucoup de sens, quand on s'y penchait un peu, mais Neal refusait de se pencher sur la question, justement.
Un frisson le secoua, et il retint un éternuement. Dans sa précipitation, il n'avait pas pris de pull, et la différence de température se faisait cruellement ressentir.

(C'était pas fait exprès :c )

En plus de ça, il allait prendre froid. Elle se mordit la lèvre pour retenir un sourire et ouvrit lentement la porte de sa chambre du coude avant de le laisser entrer, fermant la porte automatiquement après elle.
... Mieux valait ne pas penser à ce que ça pourrait laisser croire.
A la place, elle posa doucement la cruche et la tasse sur le tapis de laine épaisse qui faisait face à la cheminée, laquelle tirait déjà un bon feu, rassurant et odorant, baignant la chambre d'une lumière orangée faisant écho aux quelques lampes à gaz posées ça et là.
- Voilà, tu te réchaufferas vite ici. Je peux te passer une couverture, si tu veux ?

(>:3)

Une fois la porte refermée, Neal se sentit plus en sécurité, quoique l'impression tenace d'être suivi ne le lâchait toujours pas.
Mais au moins, il n'était plus dans ce couloir, et il faisait moins froid ... Dans la chambre d'Erin.
Atténuée, l'angoisse s'était changée en gêne.
Remarque, il était trop tard pour reculer maintenant, ce serait encore plus ridicule.
Par réflexe, le vampire se frotta les bras, faisant quelques pas dans la chambre pour se rapprocher du feu.
- Je veux bien, répondit-il, un peu emprunté, tentant un vague sourire pour masquer sa gêne.

C'était amusant de voir à quel point le beau visage du vampire était facile à lire - chose un peu étonnante pour un ancien espion. Les mains libres, la démone ouvrit le placard jouxtant son lit et se tendit sur la pointe des pieds afin d'extirper une chaude couverture, qui sentait bon la lavande et le savon.
- Viens t'asseoir devant, tu risqueras d'attraper froid sinon, fit-elle gentiment.
Quelque chose dans son attitude empruntée et anxieuse, dans son air de jeune lapin angoissé, lui donnait envie de le protéger. Tandis qu'elle s'assit à ses côtés, elle enveloppa doucement ses épaules de la couverture - et dut se retenir de lui ébouriffer les cheveux au passage.
- Qu'est-ce qui te fait croire que tu as rencontré la marquise en particulier ? lui demanda-t-elle, tandis qu'elle remplissait la tasse de chocolat chaud encore fumant pour la lui tendre.

C'était étrange d'avoir quelqu'un qui prenait soin de lui de façon si ... Direct.
Sammy et Ezio le soutenait, bien entendu, et il leur faisait confiance. Mais ces deux amis n'avait pas cette douceur, cette compassion pour son état d'angoisse. Peut-être qu'elle le trouvait idiot, enfantin, ou simplet, mais elle n'en montrait rien.
La couverture avait une bonne odeur et il la rajuste sur ses épaules, rentrant la tête dans ses épaules pour se réchauffer plus vite.
- J'ai entendu le bruit de sa béquille et de son pied, expliqua-t-il en attrapant sa tasse, la remerciant d'un signe de tête. Et je crois l'avoir vu dans le reflet du miroir de la chambre, mais ... Mais je suis pas sûr de ça, conclut le vampire en s'empourprant légèrement.

- Je te crois, répondit Erin simplement.
Les yeux rivés sur les flammes qui crépitaient joyeusement afin de réduire sa gêne, elle serra doucement la cruche en terre, cette fois à moitié vide, afin de se garder les mains au chaud.
Après un court moment de silence, elle continua :
- Je l'entendais souvent lorsque j'étais petite, ça me terrifiait. Evidemment, les sceptiques diront que c'est le craquement du vieux bois, ou une imagination trop fertile, mais...
Elle haussa les épaules et se retourna vers lui pour le regarder dans les yeux, son visage adouci par la compréhension.
- ... Rien de tout ça ne suffit pour rassurer, au fond. Ce qui marche le mieux, c'est la compagnie...

Un sourire plus soulagé étira les lèvres de Neal qui se détendit presque imperceptiblement. Ses frissons s'espacèrent jusqu'à presque disparaître, et après quelques gorgées de chocolat chaud, il n'avait plus froid.
- Merci. De pas t'être moqué, et pour le chocolat chaud, aussi.
L'ambiance de la pièce le calmait étrangement. Peut-être à cause du feu qui crépitait doucement, de la douceur du chocolat sur sa langue, du confort de la couverture sur ses épaules ... Peut-être la présence d'Erin y était-elle pour quelque chose, aussi.
Elle avait un côté protecteur, le genre qui ne pourrait pas être vaincu. Un pilier, sans doute. Pour une fois, c'était reposant de ne pas jouer ce rôle, de laisser quelqu'un d'autre prendre le relai.
- Qui t'as raconté l'histoire en premier, demanda finalement le vampire en relevant la tête vers la démone, un air curieux se peignant sur ses traits.

Son remerciement l'étonna un peu - sans doute qu'elle avait pris l'habitude d'endosser ce rôle de protectrice sans pour autant entendre de 'merci' en retour. La douceur de sa voix et son expression détendue la fit sourire.
Quelque chose dans sa présence était réconfortant - aux antipodes de leurs rencontres durant la guerre...
- C'est ma gouvernante qui me l'a racontée en premier. Martha - la femme que les gens du village ont mentionné, comme tu as dû le remarquer, fit-elle avec un petit rire étouffé. Mes parents étaient très souvent absents, alors c'était elle qui prenait soin de moi et de mes frères... et de ma petite soeur...
Voilà déjà un moment qu'elle n'avait pas pensé à Emily. Son regard s'attrista.
- Elle était fatiguée de mes promenades interdites la nuit qui la privaient de sommeil, alors une nuit, en me bordant, elle m'a raconté cette histoire. Depuis, j'avoue que je crois entendre les pas de la marquise même maintenant...
Elle prit une gorgée de chocolat chaud à même la cruche et ferma les yeux, réchauffée par la boisson.
- Alors ne te sens pas ridicule pour cela. Tu es en plein territoire inconnu, dans un domaine vieux de plusieurs siècles et isolé de la plupart de tes proches - ça ferait peur et mettrait sur les nerfs à n'importe qui, fit-elle doucement.

A la mention de leur passage au village, fructueux, quoique rempli de malentendu, Neal laissa échapper un rire en miroir de celui d'Erin.
Il l'écouta attentivement, quoiqu'il eut quelques difficultés à imaginer une jeune Erin, bravant le couvre-feu pour aller se balader dans les couloirs.
Il se renfonça dans sa couverture, réchauffé par le feu et le chocolat chaud.
- C'est étrange, finit-il par dire lentement, les yeux mi-clos. Je ne pensais pas que toute cette situation se passerait comme ça. Je ne pensais pas que mon maître démon serait du genre à m'offrir un chocolat chaud ...
Il souleva doucement sa tasse, souriant légèrement, amusé et perplexe à la fois par le court des événements.

Quelque chose dans la douceur de ses traits, la sincérité dans sa voix la fit sourire en miroir, tandis qu'elle l'observait d'un regard moins perçant que d'accoutumée.
- Peut-être pas un maître démon, alors, mais... que dirais-tu d'une amie dans ce cas ? répliqua-t-elle, lui remplissant sa tasse à moitié afin de partager ce qui en restait. Je sais que tous ces changements sont bouleversants, mais tu m'as l'air d'être une bonne personne. Je ne serais pas contre t'avoir parmi mes alliés...
Cette fois, c'était elle qui avait détourné le regard le premier, les joues rosies autant par la chaleur environnante que par le trouble naissant en elle quand elle réalisa la portée de ses mots.
Elle ne les regrettait pas pour autant.

Allant de surprise en surprise, Neal haussa les sourcils, pris de court.
Il n'y avait jamais pensé, n'avait jamais envisagé qu'il pourrait former ce genre de lien avec une démone.
Mais pourquoi pas, après tout. Qu'est-ce qui l'en empêchait ? Une guerre, une rancune entre deux peuples ? Ça faisait longtemps qu'il n'y croyait plus vraiment - il se battait pour son camp parce qu'il était un soldat, mais c'était bien la seule raison qui le faisait avancer.
- Ça me plairait bien, dit-il en souriant de nouveau, plus largement. Mais je ne suis pas un allié très utile, je n'étais pas un si bon espion que ça.
Au grand dam de ses professeurs, par ailleurs.
"du potentiel mais le coeur en coton", répétait Lane dès qu'il flanchait pendant un faux interrogatoire.
Il avait sûrement raison, au fond.

(Kyaa première mention de Laneee ** mon vampire préféré après Neal)

Elle retint un petit rire et posa la cruche au sol pour se retourner davantage vers lui, le regard amusé.
- Et alors ? Tu as d'autres talents. Un ami qui sait faire de la pâtisserie, ça me suffit largement !
Il y avait aussi le léger détail qu'il faisait plaisir aux yeux, qu'il avait une belle voix et de bonnes manières - en somme, de quoi faire de lui une connaissance honorable... Si l'on oubliait le fait qu'il était loin d'être noble, et vampire.
Enfin, ça n'allait pas l'arrêter. Et puis, quelque chose dans ses sourires et ses expressions lui donnaient envie de le protéger...

(Tant d'amour pour Lane, ça fait chaud au coeur :D)

- Attends de jouer le cobaye pour quand je testerai de nouvelles recettes, tu vas trouver ça beaucoup moins sympa, rit Neal en reposant à son tour sa tasse, maintenant vide.
Il se rassit plus confortablement sur le tapis, cachant ses bras sous la couverture, puisque maintenant il n'avait plus de tasse à tenir.
- Enfin, je te dois déjà des cookies pour ne pas t'être moqué et m'avoir donné un chocolat chaud. Tu as des requêtes peut-être, en terme de pâtisseries ?
En espérant que ces requêtes ne soient pas trop compliqué, il était rouillé de pratique. En général, la guerre et les pâtisseries n'allaient pas vraiment ensembles. Quoiqu'il lui était arrivé de piocher dans les rations des officiers pour préparer un gâteau d'anniversaire pour Ezio, Sammy, ou Alaba.

Elle rit en réponse, sans pouvoir s'empêcher que même ses tentatives devaient être bonnes. De toute façon, les sucreries lui avaient beaucoup trop manqué pour qu'elle se plaigne outre-mesure.
- Tu ne me dois rien du tout, mais si tu insistes je vais pas refuser ! Hm...
Erin réfléchit un moment tandis que, mécaniquement, elle défaisait ses tresses. Laissés à l'air libre, ses mèches bouclaient encore plus que d'habitude, adoucissant ses traits quelque peu.
- Je voudrais bien des brownies, ou un gâteau au chocolat tout simple... Mais franchement tout m'irait, après ces satanés rationnements je serais trop contente d'avoir quelque chose de sucré, termina-t-elle avec un sourire sincère.

- Des brownies ?
Ouf, c'était plus qu'abordable. Il aurait pu les cuisiner les yeux fermés tant il avait l'habitude d'en faire.
- Sans problème, dès que j'ai les ingrédients, je peux le faire. Mais je suis content de savoir que les démons avaient aussi du rationnement, on a souffert en même temps.
Quel plaisir - ironique - en y repensant, d'ouvrir son sac à provision pendant une mission et se rendre compte avec dépit qu'il était peu rempli.
Dans ces cas-là, Ezio et Sammy allait chasser le lapin, histoire de quand même avoir quelque chose à manger de consistant.
En y repensant, parfois, ils mangeaient mieux en mission qu'au quartier général.

- La guerre est souvent vécue de façon similaire par les deux côtés, répondit-elle d'un air pensif. Au final, celle-là a débuté pour trois fois rien, et maintenant...
Elle se mordit la lèvre, et lui offrit un sourire désarmant à la place.
- Mais ne parlons pas de guerre ce soir, on a déjà assez souffert d'elle comme ça. Tu m'as dit cet après-midi que ta nounou est celle qui t'a appris à cuisiner - elle était comment ? demanda-t-elle, curieuse.
Après tout, il lui semblait juste que ce soit à son tour de s'ouvrir et de parler de lui-même.

- Ma nounou ? Par où commencer ...
Il sembla se renfoncer dans ses souvenirs, réfléchissant à quoi dire, quoi cacher.
Un sourire plus nostalgique vint éclairer son visage alors que des souvenirs douloureusement vifs lui revenaient à l'esprit.
- Elle est comme de ma famille, commença-t-il, hésitant. Non, elle est plus que ma famille, reprit-il, plus sûr de lui, affirmant cette vérité plus fermement. Elle a élevé ma sœur et moi pendant des années. Elle était tellement ... Tellement ...
Il buta de nouveau sur les mots, cherchant à rassembler autant d'adjectifs que possible sans savoir lequel choisir, lequel serait le plus fidèle à la réalité qu'il essayait de décrire.
- Elle était comme une mère, une grand-mère et une grande-soeur à la fois. Elle était toujours là quand je rentrais de l'école, à faire des gâteaux. J'ai l'impression qu'elle a toujours été là, en fait. Comme un gentil lutin de la maison.

Erin pencha la tête vers lui comme pour mieux l'écouter, à la fois curieuse et touchée par sa réponse. Visiblement, ils avaient ça comme point en commun... Et cela expliquait ses bonnes manières, sa douceur, et son goût pour la pâtisserie.
Elle se demanda comment étaient ses parents, mais se ravisa en réalisant que ce pourrait être une question sensible. A la place, elle lui rajusta doucement sa couverture pour lui, puis :
- ... Elle m'a l'air d'être une personne profondément gentille. Comment s'appelle ta soeur ?

- Elle l'est, approuva en souriant Neal, encore plongé dans ses souvenirs.
Il se renfonça dans la couverture qu'Erin avait rajusté, ramenant ses jambes contre son torse.
De nostalgique, son visage devint plus triste, quoique résigné.
Il ne pouvait pas ne pas parler de sa soeur, ça serait faire comme si elle n'avait pas existé.
- Elle s'appelait Alice, répondit-il doucement, la voix plus basse, presque étranglée.